

L'influence des femmes dans l'évolution de l'art de la Vienne du début XX ème siècle
Plongeons dans le foisonnement créatif des Wiener Werkstätte et mettons à l’honneur les femmes qui ont façonné la modernité artistique viennoise du début du XXᵉ siècle !
Créé en 1903, ce mouvement est un véritable laboratoire d’art total : imaginez une communauté où tout, du mobilier à la mode, en passant par la vaisselle, est pensé comme une œuvre d’art, reflet d’une vision nouvelle et libérée.
Ce bouleversement esthétique n’aurait pas pu avoir la même ampleur sans la participation essentielle des femmes, longtemps éclipsées par l’histoire officielle.
Aujourd’hui, leur rôle central irradie enfin, témoignant d’une énergie, d’une audace et d’une inventivité hors pair.

Les Acht Künstlerinnen
Une scène viennoise en pleine émulation
Au tournant du siècle, Vienne est un terrain de luttes et d’innovations.
Tandis que la Sécession viennoise sème les graines de la modernité, la société bourgeoise – marquée par ses conventions – résiste à la vague d’émancipation féminine.
Pourtant, des femmes artistes décident d’occuper l’espace : les Acht Künstlerinnen (Groupe des huit femmes artistes), fondé en 1900, se mobilisent pour exposer collectivement.
À une époque où galeries et salons officiels privilégient les hommes, ces artistes créent huit expositions indépendantes, bousculant les barrières institutionnelles et imposant la légitimité de l’art au féminin.
Cette prise de parole s’élargit rapidement à la Wiener Werkstätte.
Dans cet atelier, la diversité de talents féminins nourrit l’innovation : elles investissent la création textile, transforment la mode, inventent de nouveaux motifs et de nouvelles matières.
Grâce à leur présence, les arts décoratifs viennois prennent une dimension expérimentale qui fera école dans toute l’Europe.

Emilie Flöge, Vally Wieselthier, Felice Rix-Ueno
Des figures majeures : artistes, entrepreneuses, pionnières
Parmi les femmes qui incarnent cet esprit, Emilie Flöge occupe une place à part.
Bien plus que la compagne de Klimt, elle est une véritable créatrice et cheffe d’entreprise : dans son salon de couture, elle dirige une équipe de dizaines de couturières, s’entoure des plus grands designers viennois, fait tomber le corset et propose une mode libératrice.
Grâce à ses collaborations avec la Wiener Werkstätte, elle érige la mode en art total, où l’audace des formes et des matières dialogue avec la liberté des corps.
À ses côtés, la céramiste Vally Wieselthier apporte une énergie nouvelle à la faïence viennoise. Son imagination débridée lui permet de concevoir des pièces modernistes, expressives, parfois provocantes, qui séduisent bien au-delà des frontières autrichiennes.
C’est aussi grâce à elle qu’une nouvelle esthétique, plus audacieuse, voit le jour après la Première Guerre mondiale.
Dans le domaine du textile, Felice Rix-Ueno révolutionne le motif décoratif. Née autrichienne, installée plus tard au Japon, elle introduit une grammaire visuelle faite d’abstraction, de couleur et de variations infinies.
Aux côtés de Gertrud Hoffmann, cheffe d’atelier innovante, elle favorise l’essor d’un design textile unique, identifiable par ses compositions graphiques avant-gardistes.

L'art au quotidien
Les femmes comme moteurs culturels et économiques
Mais l’influence féminine ne se limite pas à la création.
Les femmes sont aussi mécènes, commanditaires, clientes, et soutiens logistiques du mouvement.
Leurs choix, leur goût, leur volonté d’affirmer une modernité autonome pèsent sur l’orientation du style viennois, mais aussi sur la réussite économique des Wiener Werkstätte, pour qui la section textile et mode représente une source de prospérité vitale.
Cette dynamique s’inscrit dans un contexte général d’émancipation, porté par des figures comme Marie Lang et Rosa Mayreder, militantes pour les droits civiques et l’égalité.
Grâce à cet écosystème progressiste, les studios viennois deviennent un véritable tremplin pour la reconnaissance des femmes artistes, leur permettant d’inventer, d’oser, et de partager une vision de la modernité fondée sur l’inclusivité et l’audace.

Motifs végétaux
Un héritage féministe et international
Ce bouillonnement inspire toute la scène européenne : la liberté d’expression artistique des femmes viennoises fait écho au Bauhaus, où la question du genre reste pourtant ambivalente ; elle tutoie l’avant-garde parisienne, qui s’ouvre enfin à de nouvelles signatures.
Aujourd’hui, ce pan de l’histoire profite d’une redécouverte passionnée : musées et chercheurs remettent sur le devant de la scène ces pionnières, leurs œuvres, et la manière dont, par le textile, la céramique, la mode ou le recrutement de jeunes créatrices, elles ont contribué à façonner l’art moderne sous toutes ses formes.
En racontant cette histoire, c’est une ode à la créativité, à la solidarité et à l’affirmation de soi qu’on partage.
Ces femmes n’ont pas seulement décoré Vienne : elles ont inventé de nouveaux langages, ouvert la voie à la liberté pour des générations d’artistes, et insufflé à l’art moderne cette envie de réenchanter le quotidien.
Laissez-vous inspirer par leur audace et leur génie : la modernité est aussi, et peut-être surtout, une aventure féminine.